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samedi 11 juin 2016

La Préhistoire aux Beauregards de Nemours


 Sur les traces de l'Homme de Cro-Magnon... 



" La vie est perpétuelle découverte. "
Pierre TEILHARD DE CHARDIN (Jésuite français, chercheur, paléontologue, théologien et philosophe)


 Les Bois des Beauregards 

 (Forêt communale de Nemours) 

Sur les hauteurs à environ deux kilomètres au sud de Nemours (Seine-et-Marne), les Beauregards témoignent d'un patrimoine archéologique rare au nord de la Loire, identifié au premier coup d’œil par son découvreur, comme se rapportant à " l'Age du Renne" (Paléolithique supérieur).


 Outils achevés ou rebuts de taille ?? 

 Cliquez sur l'image pour agrandir 

Silex taillés de petite taille" trouvés aux Beauregards  Coll. Guéguen
Lames, pointes, lamelles à dos, perçoirs, grattoirs, racloirs, éclats


 Le Patrimoine archéologique primitif 
 du massif de Fontainebleau 

Les premières découvertes attribuables au Paléolithique Supérieur dans le Massif de Fontainebleau (1868-1884) sont redevables à un magistrat érudit de Nemours, Edmond DOIGNEAU (1825-1891), considéré comme le pionnier de l’archéologie locale.


Aux environs de 1870, explorant les hauteurs des deux rives dominant le Loing, il remarqua les vestiges de l’activité de l’Homme Préhistorique, une concentration importante de silex taillés sur un éperon rocheux des Beauregards (territoire de Nemours) de « l’Epoque de la Madeleine »
(terme qui désignaient alors le Paléolithique Supérieur : -40.000 ans à -9.000 ans BP)


 Le Beauregard de Nemours 


Le gisement préhistorique du Beauregard occupe un promontoire gréseux d'altitude 123.2m s’avançant en éperon au dessus de la rive droite de la vallée du Loing (vue étendue sur 180°)au nord-ouest des Bois des Beauregards.

Le fameux grand Surplomb

Le Grand Surplomb ou Abri DOIGNEAU est dissimulé sous la table stampienne affleurente.
Il est formé par un énorme bloc de grès de 9m de long, 5m de large et 6m de haut, détaché du banc par une fissure formant un couloir qui permet l’accès à la plate-forme supérieure. L’abri, exposé au midi, est ouvert sur le versant Ouest du plateau.


Ce bloc dont la masse est évalué à 450 tonnes, est posé en équilibre, dégageant une cavité de 0,60 m de haut (bas de plafond, donc plus facile à chauffer !!) pour une surface peu confortable de 28 m2.

Durant plus d’un siècle, d’éminents préhistoriens mais aussi des collectionneurs du dimanche se sont glissés sous la voûte surbaissée du Grand Surplomb, au péril de leur vie, récupérant de manière intensive et désordonnée, des vestiges allant du paléolithique à l’âge de bronze.

Au regard des artéfacts découverts, la voûte fracturée se serait effondrée avant l'arrivée des Magdaléniens (~13.000 à 9.000 ans BP).


Pour la petite histoire (rires),
Arnaud en y fouillant le sable, fit une trouvaille surprenante...
un couteau de botte en parfait état « d’un temps bien présent »
Marque Léopard / Chasse année 2014


 L'Epoque de la Madeleine 


Le Paléolithique Supérieur (ou Récent) débute sur tous les continents, hormis l'Amérique, aux alentours de 40.000 ans avant. J.-C. et perdure jusque vers 9.000 ans avant. J.-C.
Son développement accompagne la dernière phase glaciaire dans le nord de l'Eurasie (radoucissement du climat, fonte partielle des calottes glaciaires).

Abri sous roche du Cirque la Patrie (Seine et Marne)

Il est caractérisé par l'expansion de l'Homo Sapiens, l’Homme moderne à travers le monde. Il se subdivise en cultures marquées par des changements techniques et des innovations.

La trouée du Loing constitue alors une voie de passage, très empruntée entre le Nord et le sud du bassin parisien (parcours le plus court entre la Seine et la Loire). Les vallées affluentes du sud de la Seine (Ecole, Essonne, Juine, Orge) ont été aussi très parcourues mais les traces de présence sont peu nombreuses et dispersées.

Circuits migratoires traditionnels 

Les hauteurs stampiennes, les crêtes et platières des Beauregards apparaissent comme une halte-refuge privilégiée pour l’habitat, à l’abri des vents du Nord et de l’Est ou ces groupes nomades, cueilleurs chasseurs de rennes (base essentielle de leur nourriture) ont régulièrement installé leurs campements d’été (climat trop rigoureux pour y rester l’hiver). 

- Sol sec sur replat sableux ou platière gréseuse
- Abris rocheux naturels
- Combustibles et agréments pour foyers (bois et pierres à disposition)
- Point d'eau proche, le Loing (sources à proximité) et ses ressources halieutiques (pèche)
- Vue étendue sur la vallée et les territoires de chasse de la rive gauche (gué proche)
- Rognons de silex disponibles pour la confection d'outils et d'armes, affleurements des conglomérats de galets de Nemours (poudingues) 

La Grotte aux Filles - V 

Selon les spécialistes il s’agit surtout d’habitations de plein air :
- des huttes ou tentes couvertes avec des peaux et quelques occupations sous roche.
Ces espaces étaient aménagés et sécurisés avec des pierres (certaines sont toujours en place) et des branches. 

Les fouilles archéologiques (analyses chrono stratigraphiques et contexte environnemental) ont montré que ces chasseurs-cueilleurs s’établissaient sur des campements saisonniers localisés en des endroits où le gibier était abondant (troupeaux de rennes en migration à la recherche d’herbes grasses) et où poussaient des plantes et des baies sauvages comestibles.


 Cinq gisements ont fait l’objet d’études approfondies : 

- Le Beauregard dont le Grand Surplomb ou abri DOIGNEAU
- Le Deuxième Redan
- Les Gros-Monts
- Le Cirque la Patrie
- La Grotte du Troglodyte

Les vestiges lithiques ensevelis dans les sables stampiens sont riches et abondants.
Certains gisements présentaient plusieurs couches archéologiques superposées.

Fines lames en silex (patine blanche) découvertes aux Beauregards
longueur : 5.9 cm ~ longueur : 7.8


 Les occupations appartiennent à 3 civilisations : 

- Les Magdaléniens (entre 13.000 et 9.000 ans avant. J.-C.)
- Les Badegouliens (entre 19.000 et 17.000 ans avant. J.-C.) 
- Les Gravettiens   (entre 27.000 et 20.000 ans avant. J.-C.)

La découverte des ateliers de taille a permis aux scientifiques de comprendre les techniques d’obtention des lames de silex et de grès lustrés (outils et armatures de projectiles) et ainsi de distinguer des identités culturelles. 




En utilisant les roches brutes ou en les transformant, ces groupes d’humains ont pu confectionner des armes efficaces pour la chasse aux rennes (sagaies, harpons, propulseurs) et des outils (poinçons, aiguilles, bâtons percés) adaptés au travail de matériaux comme le bois, l’os ou la peau d’animaux (confection de vêtements, couvertures, tentes et récipients).



Dans tous les gisements, des minéraux étrangers à la région de Fontainebleau (pegmatite, micaschiste, stéatite, granite) ont été découverts.
Certains sont originaires du Massif central et de ses abords (Sud de la Loire).
On peut supposer des incursions de petits groupes à partir de foyers de peuplement éloignés.

Une industrie osseuse rare (restes de rennes et de chevaux, bois, dents et os ont fait l’objet d’une datation au carbone 14) est conservée au Musée des Antiquités Nationales. Les éléments les plus intéressants sont des morceaux de bois de renne dont l’un est orné de stries parallèles ainsi qu’une plaquette de calcaire gravée d’une tête d’animal schématique.
Ces manifestations artistiques exceptionnelles ont été découvertes sous le Grand Surplomb.

Les Bois des Beauregards sont un lieu témoin important et irremplaçable pour les unités de recherche en Archéologie et en Ethnologie Préhistorique. 
Dans le Massif de Fontainebleau, il est l’endroit ou l’on recense la plus grande concentration de stations préhistoriques appartenant au Paléolithique Supérieur. L’occupation humaine y persista en quasi-continuité entre 25.000 et 12.000 ans avant J.-C.



Les niveaux les plus anciens, Gravettiens, ont été trouvés le plus souvent à même le sommet de la table stampienne et les industries postérieures, Badegouliens, Magdaléniens, Tardenoisiens et Néolithiques ont été rencontrées dans les sables et limons superposés.
Les dernières fouilles archéologiques autorisées, au deuxième Redan, datent de 1971 et 1972.


 Que la vallée du Loing ait été le point de rencontre de groupes 

 venant du Nord, des grandes plaines du Sud, du bassin du Rhône et l'Aquitaine, 

 est une hypothèse... 


 Le mystère de l'Homme de Neandertal 

Dans les bois des Beauregards les dépôts Néandertaliens (antérieurs à 25.000 ans avant. J.-C.)  sont rares en raison de l’épaisseur des sables stampiens et de l’érosion mécanique importante née des fortes variations climatiques de l’ère quaternaire.
Quelques séquences culturelles, résiduelles et isolées, de plus 40.000 ans avant. J.-C. du Moustérien à débitage Levallois (technique élaborée de taille du silex propre à Neandertal) ont toutefois été découvertes au Cirque de la Patrie et aux Gros Monts.


Dessin : Gilles Tosello

 L'énigme ?!? 


La période comprise entre 50.000 et 30.000 ans avant. J.-C.étape de transition du Paléolithique Moyen vers le Paléolithique Supérieur (ou récent),
voit à la fois, la disparition des Néandertaliens apparus 450.000 ans plus tôt
et l’arrivée des Homo Sapiens, hommes modernes (« nous »).
 Si diverses théories scientifiques sont émises,
la disparition de l’Homme de Neandertal demeure à ce jour un mystère…



 Référence  
 Etudes et Recherches Archéologiques de l'Université de Liège - 2008 
 de SCHMIDER et ROBLIN-JOUVE 
 Le Massif de Fontainebleau au Paléolithique supérieur 
 Les grands sites d'habitat préhistorique, évolution des cultures et des paysages 

 A visiter 
 Le Musée Départemental de Préhistoire d’île de France
 48,avenue Etienne Dailly - 77140  Nemours  


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