Nous sommes passionnés par nature, et plutôt sauvagement, de ce Jardin minéral qu'est la Forêt de FontaineBleau. Il est un trésor vivant sensible... Notre volonté, à travers les secrets et merveilles de ce territoire unique, classé par l'UNESCO depuis 1998, Réserve de BIOSPHÈRE, est d'inviter à la découverte, à la compréhension et à la protection des espaces naturels. La plateforme 2024 est ouverte : Bienvenue !

jeudi 7 avril 2016

Larchant, un drôle de Bac à Sable ?

 Temps passe comme le Pèlerin

 Le temps passe comme le Pèlerin 


 Il y a très longtemps, à une époque oubliée ! 



Une légende des confins du Pays de Bière raconte qu’en l’an de grâce 1380,
la puissance divine des reliques de Saint-Mathurin (de Larchant) est aussi révérée
que l’influence dévorante des "sables émouvants" dispersés sur tout son fief.

Vitrail de Saint-Mathurin

Saint-Mathurin de Larchant : Prêtre guérisseur des fous et des possédés
serait né à Larchant au IIIe siècle, sanctifié au Xe siècle

 
 Sabulum notre Roy gouverne... 
 
Dorés ou argentés, reconnaissables en surface à leurs ridules aux reflets miroir
à la manière d'un flan, ces petits entonnoirs invisibles, remplis d’air,
auraient dit-on englouti sur le tour de la Châsse, à une demi-lieue de la Porte des Sablons,
près de l’actuel Calvaire des Trois Croix, une procession entière de flagellants,
un marchand d’objets pieux, et même un charretier, sa mule et sa charrette.


Au Moyen-âge, Larchant, un sanctuaire fortifié cerné par des sables épais
En bas (au sud), la Chapelle de la Madeleine et la Maladrerie 
   
Tout au long des siècles, les sociétés savantes du royaume de France,
  particulièrement les dignitaires chanoines, seigneurs érudits de la Citadelle,
ont tenté d’élucider ce tragique et épais mystère.  

La Basilique Saint-Mathurin ruinée et les habitations quasi accolées
Fleuron de l'architecture gothique
(classé par Prosper Mérimée au titre des monuments historiques en 1846)
Sa vénérable tour-clocher carrée édifiée au XIIIe siècle


Si, comme les premiers découvreurs, ils ont d’abord observé sur ces arpents dénudés,
des sablons fins, ronds et mats ou émoussés-luisants pareils à ceux des déserts lointains,
aucun n’a pu pleinement les décrire, prédire simplement l’angle à partir duquel
un grain de sable seul se met à rouler, ni celui à partir duquel il s’arrête.
 
On y voit aujourd'hui des cascades minérales scintillantes
ou émergent des formes sombres... pour le moins étranges 
 
 

Le large porche nord
 En arrière plan le portail du Jugement Dernier

Parmi les grands Esprits de la Renaissance,
seul, l'éminent visionnaire Léonard de Vinci (Leonardo di ser Piero da Vinci),
polymathe dans les domaines des Arts et des Sciences, arénophile passionné,
fut sur place en mesure d’effectuer une démonstration expérimentale simple et claire,
et put avancer quelques premières remarques sur les différences de comportement
des granulats bellifontains, sables blancs à grains légers ou blonds à grains plus lourds.


Amis visiteurs, curieux de nature de ce jardin minéral fantastique,
ne voyez dans cet "abracadabrantesque" énigme historique,
ni l’existence de zones surnaturelles aberrantes, ni les méfaits nocturnes
des lunatiques Lycanthropes ou autres bêtes fauves des Bois de la Commanderie de jadis.


N'ayez crainte, que vos petits anges se réjouissent, il n’y a point de diablerie à cela !
Chacun sait aujourd'hui, Lyricantois ou simple villageois des alentours,
tous s’accordent a dire cet invraisemblable et fascinant phénomène...
explicable scientifiquement !

Intrigantes trombes estivales ?

Dans la nature, dans le cas des sables mouvants des rivières ou des estuaires,
c’est l’argile et l’eau, éventuellement aussi, le sel en bonne proportion,
qui fragilisent les liaisons entre les grains de sable.
Alors qu’ici, dans ces vallées inter-dunaires millénaires travaillées par l’érosion,
 faites de pentes moelleuses, d'éboulis et de crêtes gréseuses,
c’est l’air et la chaleur qui élaborent le mécanisme naturel insidieux.

Inquiétants agrégats de sable ?

Disséminés par des vents tourbillonnants,
les sablons les plus fins et les plus légers s’accumulent parfois en grande quantité
et se sédimentent dans les trous et les cavités… ou l’air reste toujours omniprésent.
En dirigeant ses pas sur ces croûtes cristallines faussement solides,
le voyageur insouciant (le pèlerin) finit aspiré par le fond, disparaît pantelant avalé par les sables
qui se dérobent et croulent instantanément sous son poids.


Depuis toujours, on inventorie autour du sanctuaire
un nombre incalculable de disparitions,
des choses, des animaux... et des personnes !



Larchant, Étape la plus hautement redoutée
sur l'ancienne route du Midi
(chemin de Saint-Jacques de Compostelle)


Si l'on en croit le célèbre cartographe géodésien, César-François Cassini,
la menace n'est nullement endiguée à la fin du XVIIIe siècle.
Lors de son ultime tournée de récolement à Larchant en juillet 1773,
il ne masque ni son émotion, ni ses vives inquiétudes :
" Cet épais sablier blanchâtre susceptible de polymorphisme est une calamité
dont les ravages inimaginables finiront par engloutir la basilique Saint-Mathurin elle-même.
J'ai vu, à l'ouest du grand chemin qui vient de Paris, les terrifiants siphons de sable (Sabula)
qui menacent la paroisse et je frémis du danger certain auquel ses âmes sont exposées."


Larchant et ses environs
Extrait de la carte des Cassini (XVIIIe siècle)


Sabulum notre Roy gouverne.
Il voit tout, il entend tout, il ordonne de tout

Toute ressemblance avec des lieux et des personnages, existant ou ayant existé,
ne serait évidemment pas une pure coïncidence  

Un cadran indiquant le temps solaire, bien plus ancien
est gravé dans la pierre du 3°contrefort de la basilique Saint-Mathurin

 C'est quoi ce cirque ? 


 Le golfe de Larchant 
                                         
Ce bassin élargi qui comprend le Marais et le Gouffre, est délimité à l’ouest par une côte escarpée (anciennes corniches de Grès démantelées descendant du plateau du Gâtinais dont l’altitude oscille entre 100 m et 145 m), extrémité orientale de la grande plaine de Beauce, et est ouvert à l’est sur la rivière du Loing, dont un méandre l’a probablement façonné autrefois.

Son Marais : Réserve naturelle régionale de 123 ha, riche et diversifiée, liée à l’affleurement de la nappe phréatique en surface (alt. basse : 64 m)
Son gouffre : Entonnoir profond de 4 m drainant les eaux de ruissellement

Sa formation géologique a fait l’objet de diverses hypothèses :
L’une d’elles suppose que la région a été occupée, à la fin du Stampien (-33,9 à -28,4 Millions d'années)par une très grande dune, la première en bordure des eaux lacustres du Sud.
Plus au Nord, d’autres dunes, plus petites, forment aujourd’hui les alignements parallèles de Fontainebleau, larges bandes de grès alignées et dirigées Ouest 10° à 15° nord.
Le calcaire de Beauce n’aurait recouvert que d’une mince couche ce sommet dunaire.
Un décapage facile par les eaux météoriques aurait provoqué très tôt un régime de ruissellement convergeant vers le fond de la cuvette. Cette inversion du relief est exceptionnelle dans le massif de Fontainebleau.

Les Sables de Fontainebleau, qui occupaient le Cirque de Larchant sur une épaisseur de 50 mètres, ont actuellement disparu. Depuis 100 000 ans, du fait d’une surrection progressive du terrain (soulèvement tectonique à partir de la fin du Stampien), l’érosion s’est appliquée à déblayer vers l'aval ces sables.
Retenus à l’ouest par les alignements de bancs de grès, ils ne forment plus que quelques dépôts à l’endroit du Marais et sous les Bois de la Commanderie.


 Références 
 Patrimoine Géologique de Larchant 
Travaux de Daniel Obert, Médard Théry et Pierre Doignon 
------
 Stratotype Stampien
Pierre Lozouet - Collection Patrimoine Géologique
Editions Biotope 2012
Publications scientifiques du Muséum





Aucun commentaire: